Extrait de L’ombre d’Éloïse, p. 85-87
Maxence avait été incorporé le 16 décembre 1914 au 42e Régiment d’Infanterie (surnommé « As de carreau », ce régiment faisait partie de la 14e division du général Crepey, elle-même appelée « Division des As »).
Au mois de mai 1916, l’armée française avait tenté de reprendre le fort de Douaumont tombé aux mains de l’ennemi le 25 février précédent. Le général Nivelle engagea alors la 14e division en remplacement de la 6e…
Le 7 mai, les bombardements allemands furent terribles : des régiments entiers disparurent sous un déluge de feu ; un obus de 380 tomba dans le tunnel de Tavannes, anéantissant le 57e Régiment d’Infanterie. Puis le 8 mai, les attaques incessantes de l’ennemi décimèrent des unités entières [1].
Chargé de défendre la digue de l’étang de Vaux et les retranchements situés à l’ouest du fort de Vaux, le régiment de Maxence ne fut pas épargné. Malgré un bombardement sans précédent qui lui cause des pertes sérieuses, malgré les souffrances de toutes sortes qui lui sont imposées, malgré la maladie qui cause dans ses rangs des vides nombreux, le 42e ne se montre pas inférieur à sa tâche. Jusqu’au 18 mai, date à laquelle il est relevé, il conserve sans céder un pouce de terrain le secteur qui lui avait été confié [2].
C’est dans ce secteur que le caporal Jeandot – « resté toute une journée sous un bombardement des plus violents montrant ainsi le plus bel exemple de courage et de dévouement » – trouva la mort le 8 mai, à quatre heures du matin [3]. Son corps fut transporté à Champdray, dans les Vosges, où l’acte de décès fut dressé par le sous-lieutenant Paul Goux [4] (l’ensevelissement du corps ayant eu lieu avant son arrivée, ce dernier constata le décès sur la déclaration de deux témoins appartenant au régiment de Maxence, l’aspirant Louis Mozon et le caporal Marius Dumont).
Pourquoi Champdray, à près de 200 km de Verdun ?
L’acte de décès indique que Maxence est « ‘Mort pour la France’ au retranchement n° 2 du fort de Vaux […] par suite de ses blessures »… Si tel est le cas, pourquoi avoir transporté sa dépouille si loin de la zone de combat ? Parce qu’il serait décédé non pas au fort de Vaux, mais au cours de son transport vers un hôpital de campagne ? Dans ce cas, pourquoi l’avoir transporté si loin, du moment que Verdun disposait d’une « chirurgie de l’avant » (ambulances, hôpitaux et véhicules sanitaires) ?… La capacité d’accueil de ce dispositif ayant doublé entre février et juillet 1916 [5], il est possible que dans ce laps de temps, les unités de soins ont été, à un moment ou à un autre, submergées par le flot des blessés…
Dans tous les cas, renseignement pris auprès de l’adjointe du maire, il ne subsiste aucune trace écrite de Maxence à Chandray, tant de son inhumation que d’une éventuelle exhumation… Mais de nombreuses tombes du cimetière de ce village restant à ce jour non identifiées, l’une d’entre elles ne pourrait-elle être la sienne ? À moins que son corps n’ait été transféré. Auquel cas, je présume que ce ne pouvait être ailleurs que dans un cimetière militaire, ou chez lui à Chaumergy… Or, son nom ne figurant pas dans la liste des sépultures de guerre du site Mémoire des hommes [6], il me reste à envisager que la dépouille a été réclamée par les siens après l’Armistice – ce qui fut souvent le cas [7]… Mais Maxence est aujourd’hui introuvable au cimetière de Chaumergy. Par ailleurs, la mairie ne dispose d’aucun relevé des concessions du cimetière antérieur au recensement effectué en 2011… Rien donc pour me prouver que Maxence a été ramené au village [8]. Curieusement, sa sœur Angélina acquerra à la fin des années 1950 une concession dont la pierre tombale – encore visible à ce jour – ne mentionne que deux noms : le sien et celui de son père mort en 1914. Point d’Anastasie donc – sa mère pourtant décédée en 1925 à Chaumergy –, et encore moins de Maxence.
Extrait de L’ombre d’Éloïse, p. 85-87
Notes :
1. Pierre MIQUEL, Mourir à Verdun, Tallandier, 1995, p. 174-175.
2. Historique sommaire du 42e Régiment d’Infanterie, Imprimerie Schmitt Frères – Belfort, p. 9-10. (http://tableaudhonneur.free.fr).
3. Site Mémoire des hommes déjà cité, ainsi que l’acte de décès de Victor Maxence Constant JEANDOT du 24 mai 1916 (Archives départementales du Jura, 2Mi2026).
4. À partir d’une instruction de 1916, les unités durent nommer un officier d’état-civil habilité à établir les actes de décès (André BACH, La mort en 1914-1918, Revue historique des armées, http://rha.revues.org/6979).
5. Jean-Pierre TUBERGUE, Les 300 jours de Verdun, Éditions Italiques, 2013, p.190.
6. http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/.
7. Selon Antoine PROST, 250 000 corps auraient été rapatriés par trains spéciaux dans les villes et villages de France (Pas besoin de chiffres pour démontrer l’ampleur du massacre, Le Monde du 13 mai 2014).
8. Sa fiche du matricule militaire indique qu’un secours de 150 francs (environ 380 € de 2015) a été versé à sa mère le 14 juin 1916. Mais rien n’est dit du motif ou de la destination de cette aide.
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