Contraintes géographiques et militaires
Jules César donna dans ses Commentaires une description célèbre de Vesontio (Besançon), alors place forte des Séquanes :
Le Doubs entoure la ville entière d’un cercle qu’on dirait tracé au compas : l’espace que la rivière laisse libre ne mesure pas plus de 1600 pieds et une montagne élevée la ferme si complètement que la rivière en baigne la base des deux côtés. Un mur qui fait le tour de la montagne la transforme en citadelle et la joint à la ville.
En effet, la Boucle du Doubs est encadrée par ce que les géologues appellent le faisceau bisontin. Le site offre naturellement à ses habitants d’extraordinaires possibilités défensives. Par conséquent, dès la plus haute antiquité et jusqu’à la première moitié du 19e siècle, la présence de l’armée à Besançon, avec ses remparts et ses fortifications, infléchit le cours de l’histoire de la ville. Des siècles durant, la municipalité et ses administrés ont dû se plier à tout un arsenal de servitudes militaires.
Trois zones sont définies, commençant toutes aux fortifications et s’étendant respectivement aux distances de 250 mètres, 487 et 960 mètres. Dans la première, toute construction est proscrite ; dans la deuxième, il est permis d’élever des constructions en bois ou en terre, que l’on pourra démolir aisément en cas de siège ; dans la troisième, l’exploitation de carrière et la construction en sous-sol sont interdites, les chemins, les remblais et déblais, ainsi que l’entreposage sont réglementés. Ainsi, l’éventuel assiégeant ne trouvera aucun abri ou couvert à proximité des fortifications.
Par conséquent, les interdictions de construire autour des fortifications, ainsi que l’implantation de casernes, l’instauration de polygones, notamment le polygone d’artillerie entre la Boucle et le village de Saint-Ferjeux, rendent extrêmement problématique l’extension urbaine de Besançon.
Au 19ème siècle, ces servitudes empêchent notamment l’implantation de manufactures le long de la Boucle du Doubs. Tant d’obstacles nuisent à l’économie locale et de nombreux contentieux opposent les autorités militaires aux Bisontins. D’où la localisation jusqu’en 1945 de la plupart des entreprises dans la Boucle.
Ainsi, la Municipalité doit lutter sans cesse contre l’Armée pour récupérer des lambeaux de terrains, pour faire lever les servitudes pesant sur les zones proches des fortifications [1]. En plus des contraintes liées à ces servitudes, les implantations militaires (fortifications, casernes et polygones) ne font qu’aggraver le problème. Bien qu’une la loi du 20 juillet 1911 (et le décret du 31 juillet 1912) entérine le déclassement de la place forte de Besançon, les possessions de l’Armée poseront problème jusque dans les années 60.
La situation géographique de Besançon offre donc des atouts considérables sur le plan défensif. Mais quand il devient nécessaire d’étendre la cité au-delà de la Boucle, des obstacles se dressent : vers l’ouest, la voie est occupée par les polygones et la caserne Brun, au sud la Montagne des Buis et Chaudanne, au nord, la tête de pont de Battant et la forêt de Chailluz – puis à partir de 1856, la voie de chemin de fer, et à l’est, Bregille. Seule une possibilité d’extension apparaîtra au début des années 50 vers Montrapon et Palente.
Notes :
1. M. CHEVALIER et J.-J. SCHERRER, Documents sur le développement urbain de Besançon entre 1840 et 1940, Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1957.