Lettre du 13 juin 1945
Très chers parents, très chère sœur.
J’ai reçu votre lettre hier. Je l’attendais depuis longtemps d’ailleurs. En effet, mes lettres, maintenant, partiront du Grand Reich bien réduit, depuis le pays de Bade, c’est tout ce que je puis vous dire n’ayant pas le droit de vous donner le lieu exact du stationnement de mon unité. Je punis les hommes du régiment qui dévoilent le nom de la localité qu’ils occupent dans les lettres qu’ils envoient à leurs parents : ce n’est pas pour en donner l’exemple maintenant.
Pour vous donner des explications complémentaires au sujet de ma mutation, je puis vous dire que j’ai été muté le 23 Mai dans un régiment d’infanterie (État-major) et que j’y remplis un travail très intéressant et très passionnant. […]
Que devient Yvette ? J’espère qu’elle travaille bien à l’école et qu’elle sera dans les premières le mois prochain, ne serait-ce que pour faire plaisir à son frère. Mademoiselle ne perd pas souvent son temps à m’écrire quelques lignes.
Que se passe-t-il à Paris ? Dans ce cher Paris que je voudrais revoir car d’après ce qu’on raconte, il aurait bien changé depuis le jour V de la victoire. Pourrez-vous assister au défilé de la Victoire à Paris ? Vous y verrez un détachement de mon régiment, le plus beau de la Division, dans lequel je suis le plus jeune officier.
Le jardin pousse-t-il ? Avez-vous mangé des cerises cette année ? Ici on en a jusqu’au cou, on nous en donne de tous côtés. La bière ne manque pas, la charcuterie non plus et tous les jours j’achète pour mon petit déjeuner 1/2 livre de saucisson pour 4F français (80 pfennigs). Nous payons 8 verres de schnaps 2 marks 10, soit 10F50 français. Qu’en dites-vous ?
Je termine cette courte lettre en espérant qu’elle vous trouvera tous en excellente santé et en vous embrasant tous bien fort.
Serge
Sous-lieutenant Jeandot Serge,
Aux Armées, SP 50.161. État-Major