Lettre du 21 janvier 1946
Camp de la Lègue, le 21 janvier 1946
Mes très chers parents, ma très chère sœur,
Cette lettre se sera peut-être fait attendre mais depuis mon départ de Villemomble, j’ai parcouru un certain nombre de kms. Parti de Villemomble j’ai échoué pour débuter à Saint-Usage, puis à Marseille, puis à Aubagne (près Marseille) puis au camp de Carpiagne [1] (où se trouve stationné le 3e R.E.I.) puis au camp de la Lègue où je suis en ce moment pour un stage d’instruction de huit jours avec nos amis britanniques. La fin de la semaine verra mon retour au camp de Carpiagne. Je suis affecté à la 5e compagnie, 2e bataillon du 3e R.E.I. Nous pensons partir en Extrême-Orient entre le 1er et le 15 mars (si d’autres ordres en fonction de la crise politique actuelle [2] ne nous donnent une autre destination).
A part cela tout va très bien. L’ambiance de la Légion est très bonne. Le caractère y est très spécial mais enfin ce n’est qu’une question d’habitude. La discipline y est très ferme et les soldats magnifiques (que de changement avec les unités métropolitaines). Je vous en parlerai plus longuement dans de prochaines lettres.
A part cela que devenez-vous ? J’espère que vous êtes toujours en excellente santé. De mon côté elle est très bonne.
Je voudrais maintenant vous demander s’il vous était possible de trouver à Paris et m’expédier le plus rapidement possible les objets suivants, ceux-ci ne se trouvant pas à Marseille :
1) Fourragère double. Légion d’honneur. Croix de Guerre (je dis double).
2) Calot de tradition légion : vert foncé à fond rouge.
3) 4 flammes Légion Étrangère (N° 3) numéros du régiment.
4) Boutons Légion Étrangère (12 gros – 12 petits). 2 jeux de galons sur fond noir
Ces objets étant indispensables et réglementaires.
Question financière : tout va bien.
Question logement : [les] officiers sont logés au camp avec la troupe à 4 km de toute habitation [3].
Question nourriture : tout va très bien.
Question tabac : tout va très bien.
Question équipement : nous allons percevoir les équipements anglais pour le départ en Extrême-Orient. D’ici quelques jours nous les aurons.
Le jour tombe. Je n’ai plus grand chose à vous dire. Je vous écrirai plus longuement dans la journée de demain.
Je termine mon court billet en espérant qu’il vous trouvera en excellente santé. Je vous embrasse tous bien fort.
Serge
∴
Notes :
1. Le hasard a voulu que je sois affecté à Carpiagne en mars 1968. Le camp était alors CIABC (Centre d’Instruction de l’Arme Blindée et Cavalerie).
2. La veille même, le général du Gaulle a démissionné du gouvernement. Serge fait certainement allusion à cet événement.
3. La ville de Cassis est à moins de 4 km à vol d’oiseau.