Lettre du 5 octobre 1945

451005Belfort, le 5 octobre 1945

Très chers parents, très chère sœur,

J’ai reçu hier la petite carte d’Yvette. Mademoiselle après m’avoir fait remarqué bien gentiment que mes lettres étaient rares a daigné m’envoyer enfin une petite carte. Je ne sais lequel des deux pourrait se plaindre de la paresse de l’autre, mais je crois dire la vérité en affirmant que c’est moi.

Je n’aurai pas beaucoup de neuf à vous dire aujourd’hui, si ce n’est que dans ce trou perdu de Belfort où je remplis jusqu’à nouvel ordre la besogne de Commissaire Militaire de Gare [1], il y fait extrêmement froid. On supporte le manteau. En est-il de même à Paris ?

Après mûre réflexion je vais faire quand même une demande pour l’armée d’active. Qui sait, peut-être qu’avec un peu de chance je pourrai quand même recevoir une réponse affirmative. Il me faudrait donc, le plus tôt possible, l’état de services F.F.I., expédié chez vous dernièrement, signé par le Commandant Henry [2]. Cela il le faut absolument. Puisque nous parlons en ce moment d’affaires militaires, avez-vous reçu des nouvelles de ma proposition de citation. Parce que, en cas de sortie, cela me ferait un atout important dans ma demande. Je resterai donc sous les drapeaux dans l’attente de la réponse du Ministère et de la Direction d’Armes à laquelle j’appartiens. D’ailleurs nous en reparlerons de vive voix dans quelques jours: je pense aller faire un tour à Paris au début de la semaine prochaine. J’aurai divers services à voir à Paris et il faudrait que j’aille au ministère rendre visite à mon ancien colonel qui s’y trouve.

Question matérielle, ici à Belfort cela va. Je loge chez un particulier dans une chambre claire et spacieuse. Sous mes fenêtres, un jardin et comme horizon un petit bois. Le mess de garnison est très bon, meilleur qu’à Mulhouse. Mon capitaine est très chic, et je suis tombé en pays de connaissance, c’est un ex. F.F.I. qui lui aussi, ancien professeur dans un lycée, demande à servir en activité dans la nouvelle armée française.

A part cela tout va très bien. La santé est excellente. Je termine en espérant que cette courte lettre vous trouvera tous en bonne condition. Je vous embrasse tous bien fort.

Serge

Sous-Lieutenant Jeandot Serge

Commissariat Militaire

Gare de Belfort

Notes :

1. « Les commissions de gare sont les organes locaux d’exécution des chemins de fer. L’officier du service militaire des chemins de fer en est le commissaire militaire, aux côtés d’un chef de gare qui est le commissaire technique. Ils travaillent avec du personnel technique et militaire, qui dépendent de la commission de chemin de fer du réseau concerné. Sur son réseau, la commission de gare est chargée des services suivants : bifurcation, embarquement/débarquement, haltes, abreuvage, repas, évacuations sanitaires, notamment. Le commissaire militaire est le commandant d’armes de la gare, et à ce titre responsable du maintien de l’ordre et du respect des consignes et des ordres. Le commissaire technique est quant à lui responsable des mouvements des trains, de l’instruction aux agents des chemins de fer. Les deux commissaires tiennent en commun un journal d’opération qui relate les instructions et ordres reçus, les incidents survenus, les trains formés et expédiés, reçus et déchargés. » (Service historique de la Défense, 4e bureau de l’état-major de l’armée – 1879-1940 – Répertoire numérique détaillé,  Sous série GR7NN4).

2. À titre de commandant du 1er bataillon du 2e Régiment F.F.I. Armor, Robert HENRY avait été le supérieur hiérarchique de Serge (voir l’article Serge JEANDOT, résistant) ; il demeurait alors 16 avenue Louise à Villemomble (Seine-Saint-Denis).

⇐ Retour au sommaire

Lettre suivante ⇒