Lettre du 16 mai 1945
Très chers parents, très chère sœur,
Je trouve enfin un instant de liberté pour vous envoyer de mes nouvelles qui dans l’ensemble sont bonnes. Je n’ai pu vous écrire plus tôt pour la raison suivante : nous venons de faire mouvement ; nous nous sommes un peu rapproché de l’Etat-major, car nous étions vraiment un peu trop loin. Le mouvement terminé, je suis tombé malade et je suis resté 3 jours au lit. Ne vous faites surtout pas de mauvais sang, je suis complètement rétabli, heureusement d’ailleurs, car le travail ne manque pas ici.
Avez-vous fêté la victoire à Paris. Il paraît que c’était formidable. De notre côté nous avons eu droit à un petit défilé de 4 heures et aux cérémonies d’usage. Ce soir un grand feu de joie fut allumé et nous dansâmes autour. Nous avons bien bu, de trop même, vous me comprendrez. Je me suis retrouvé dans un bel état, mais enfin ce n’est la victoire qu’une fois comme dit l’autre. Les quatre jours qui suivirent furent employés à récupérer un peu de cette nuit d’orgie et à danser au son d’un phono sur le champ de foire ou dans les cafés.
Avez-vous vu Jacob ? Il se rendait en permission à Villemomble et je lui ai demandé de bien vouloir passer vous voir pour donner de mes nouvelles. A part cela, comment allez-vous ? La santé est-elle bonne chez vous. Je l’espère.
Quel temps fait-il ? Ici une chaleur épouvantable. Pas une goutte d’eau depuis plus d’un mois. Un matin nous nous sommes réveillés avec le gel. Les vignes sont grillées et les fruits, à part les fraises, seront inexistants cette année.
J’espère allez vous voir bientôt quoique je n’y croie pas trop avec tout ce travail que nous avons pour le moment.
Je suis obligé d’interrompre cette courte lettre, on m’appelle. Je vous quitte en espérant que cette lettre vous trouvera en excellente santé
Votre fils qui pense à vous.
Serge